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Interview UTCéenne : François, pionnier de l’IA

Interview

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27/09/2022

François Habryn, ingénieur informatique de l’UTC diplômé en 2001, travaille pour  Kyndryl à Lausanne en Suisse en tant que Partenaire Associé et Leader des Practices ‘’Cloud’’ et ‘’Application, Data, AI’’. Kyndryl est une entreprise leader dans la modernisation et la gestion des systèmes informatiques dans le cloud et a été créée en 2021 à la suite d’une spin-off d’IBM.

 

Bonjour François,  tu es aujourd’hui l'un des acteurs les plus avancés dans le monde de l’Intelligence Artificielle. Or, au début de ta carrière, l’IA n’existait pas. Est-ce qu’il y avait déjà, lorsque tu étais étudiant, quelque chose qui a fait que tu t’es intéressé à l’IA ?

Lorsque j’étais étudiant nous avions abordé les sujets de l’IA dans un cours de programmation récursive en LISP qui était intellectuellement très stimulant… ainsi que dans un cours sur la modélisation et la gestion des données qui m’a passionné.

D’ailleurs le concept de l’Intelligence Artificielle existe depuis longtemps. Pour faire simple, développer une intelligence artificielle signifie créer des ordinateurs qui peuvent aider les humains – voire les remplacer - pour effectuer des activités telles que la prise de décision, faire une inspection visuelle ou analyser le contenu d’un texte. Dans un contexte d’entreprise, avec l’IA on est tout de suite à l’interface entre la technologie et son application dans un processus métier… ce qui rend le sujet passionnant.


Les data quand on a vingt ans ? On peut y trouver un intérêt à cet âge ?

Les data c’est ce qui permet de modéliser la réalité d’une entreprise ou d’une situation. En les analysant et en les interprétant, on peut amener de la valeur et de l’innovation… c’était le cas à l’époque où j’ai étudié et ça l’est plus encore aujourd’hui avec les nouvelles technologies disponibles sur le marché.


Tes stages t’ont-ils servi dans ton orientation ?

Oui, je pense que c’est le cas. J’ai fait un stage en développement informatique dans une entreprise de logiciels industriels à Nüremberg en Allemagne, puis dans une banque à Paris. Ces stages m’ont permis de comprendre que ce qui m’intéressait le plus, c’était l’utilisation et l’application de ces technologies pour créer de la valeur… donc de très rapidement toucher aux sujets de l’innovation, de la gestion du changement et de prendre des rôles à l’interface entre l’informatique et le business… et c’est ce que j’ai poursuivi au cours de ma carrière dans le conseil et les services, et aujourd’hui avec les thèmes du cloud et de la data.

 

Ensuite, tu as fait une thèse de doctorat entre 2008 et 2012, raconte-nous.

En 2008, alors que je travaillais pour IBM, j’ai participé à la création d’un nouvel institut de recherche – le Karsruhe Service Research Institute – né d’un partenariat entre IBM et l’Université de Karlsruhe (KIT). Les objectifs étaient de promouvoir la recherche sur les services  avec des thèmes tels que l’innovation, la productivité, et la modélisation des services dans notre économie et de développer un curriculum pour les étudiants en bachelor et master à la croisée entre l’informatique et l’économie. Durant les quatre années passées à Karsruhe, j’ai eu l’opportunité de conduire un projet de recherche et d’obtenir un doctorat en économie.

 

Le sujet de ta thèse était "Customer Intimacy Analytics"… Peux-tu nous en dire plus ?

Customer Intimacy c’est un type de stratégie d’entreprise au même titre que le "product leadership"’ ou l'"operational excellence". Lorsqu’une entreprise choisit une stratégie de type customer intimacy, elle a pour objectif de créer des solutions personnalisées pour les clients qui répondent exactement à leurs besoins. Ce genre de stratégie nécessite donc une fine connaissance des besoins des clients, de bonnes relations avec eux et enfin une capacité à ajuster l’offre pour répondre aux demandes uniques.  Dans le cadre de ma thèse, j’ai développé un modèle qui permet d’analyser les données métiers, et les données de collaboration d’une entreprise afin de mesurer la performance et la pertinence de cette stratégie de type customer intimacy avec les différents clients d’une entreprise. Pour modéliser cela, j’ai utilisé le Machine Learning en corrélant les données d’interaction avec les données relatives aux performances commerciales.  

 

Quels algorithmes as-tu utilisé ?

J’ai évalué plusieurs algorithmes dont le perceptron – un réseau de neurone, le SVM (Support Vector Machine) et les arbres de décisions.   Dans le contexte de ma thèse, les arbres de décisions étaient très utiles car à l’inverse des réseaux de neurones qui fonctionnent un peu comme une boîte noire, les arbres de décisions peuvent être lus et donc être interprétés pour comprendre les implications managériales.

 

Pourquoi a-t-on entendu parler de l’IA dans le grand public à partir de 2016, alors que cela existait donc depuis de nombreuses années ?

A mon sens c’est en raison de l’avènement des technologies cloud et de la puissance de calcul presque infinie qu’offrent les fournisseurs de cloud aujourd’hui. Ces services permettent d’utiliser des technologies de pointe pour un prix contenu quand les volumes à traiter sont faibles et permettent une mise à l’échelle facile et rapide lorsque le projet prend de l’ampleur. C’est donc un vecteur d’innovation incroyablement important.

Ce qui a également changé c’est que l’analyse des données est un peu devenue la nouvelle ruée vers l’or des entreprises. Lorsque l’on cherche à analyser et à optimiser une entreprise cela est souvent réalisé selon le prisme : People, Process, Technologies. Désormais on y ajoute une quatrième dimension :  les données.

 

Quel est à ton sens l’avenir de l’IA ?

Nous ne sommes qu’au début de l’IA. Il faut bâtir les fondations. Et après l’IA prendra toute sa puissance. Beaucoup d’organisations ont lancé des initiatives de machine learning et ont recruté des data scientists, mais nous observons que la plupart d’entre elles sont confrontées au défi de mettre ces modèles en production. En particulier, des questions se posent autour du cycle de vie du modèle d’apprentissage machine et autour de la gouvernance pour s’assurer qu’il peut être effectivement inclus dans les processus et opérations de l’organisation de manière adéquate. De plus, ces mêmes entreprises sont en train de gagner en maturité dans la phase de l’ingénierie des données (data engineering). Il faut bien maîtriser la collecte et le traitement des données.

 

Tu veux dire la tuyauterie, pour récupérer les données ?

L’ingénierie des données c’est l’ensemble du processus de traitement des données, depuis leur collecte jusqu’à leur visualisation et leur utilisation dans des modèles d’apprentissage machine.  L’ingénierie des données et l’IA ont une relation symbiotique car on a besoin d’une plateforme de données solide afin de construire des modèles d’apprentissage machine qui se transformeront en IA. Il faut donc construire des plateformes de données robustes et évolutives qui assurent la cohérence, l’intégrité et la précision des données et qui adressent également les exigences des utilisateurs. 

 

Quelles recommandations donnerais-tu à des entreprises qui souhaiteraient gagner en maturité dans le domaine de l’ingénierie des données et de l’IA ? 

Il y a beaucoup de choses à recommander et bien sûr, ces recommandations dépendent du contexte et du niveau de maturité de chaque organisation. Je vais simplement en présenter trois :

1- Se concentrer d’abord sur la valeur pour l’entreprise. J’ai travaillé avec beaucoup de clients qui avaient construit des data lakes sans avoir une vision claire sur pourquoi et comment ces données seraient consommées à l’avenir.

2- Se concentrer sur l’organisation et la gestion du changement : nous disposons aujourd’hui d'outils permettant non seulement d’obtenir des informations très précieuses grâce à l’analyse des données mais en plus de le faire en temps réel ! Cela amène une innovation radicale qui change potentiellement profondément les processus métiers et la manière de gérer les opérations... mais pour en faire un succès, il est obligatoire que les employés acceptent le changement et ne continuent pas à travailler comme par le passé.

3- Construire une gouvernance des données solide qui vous assure d’avoir le contrôle total de vos données et de la façon dont elles sont créées, traitées et utilisées. Le projet de données ne peut être un succès que si les gens font confiance aux données qu’ils obtiennent.

 

Pour conclure, que dirais-tu aujourd’hui aux étudiants de l’UTC si tu les rencontrais ?

Aujourd’hui les possibilités d’étudier et d’enrichir ses compétences au cours de sa carrière sont fantastiques. Par exemple, il m’arrive régulièrement de suivre des cours de différentes universités lorsque je prends le train pour Zürich. Cela crée aussi une émulation et une concurrence accrue sur le marché du travail qui devient global. Dans nos projets, nous travaillons avec des personnes suisses, française, polonaise ou indienne et toutes ont acquis une excellente expertise… mes recommandations seraient donc tout d’abord d’être curieux et d’observer ce qui se passe vis-à-vis des technologies mais aussi en dehors de l’UTC ou de la France. Deuxièmement, je conseillerais de choisir un ou deux thèmes qui vous plaisent et de commencer à développer une expertise dans ces domaines, par exemple en lisant des articles de recherches publiés en ligne sur ces sujets. Enfin je pense qu’il est important de développer les soft-skills qui sont de plus en plus essentiels pour faire avancer une idée ou un projet, surtout en ces temps où l’on travaille à distance et virtuellement. Ce sont en tout cas les qualités que je recherche dans mes équipes !


Interview réalisée par Bruno Dember (GM 1992) pour UTC Alumni



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